Nous invitons tous les doctorants francophones en sciences humaines et sociales à présenter leurs recherches lors d’une conférence consacrée à un problème d’actualité qui devient de nos jours un sujet d’étude important. Cette conférence fait partie du nouveau Collège Européen Francophone en Sciences Humaines et Sociales organisé par les partenaires de 6 universités européennes dans le cadre du projet éducatif 4EU+ « Dimension Francophone » et accueilli par le Centre de civilisation française et d’études francophones de l’Université de Varsovie.
Les propositions de communication (résumés de 300-400 mots avec un titre et 2-3 références bibliographiques) sont à envoyer à seminarium.okf@uw.edu.pl avant le 6 juillet 2022. Les propositions ne doivent pas être l’objet d’un texte publié ou soumis à publication dans une revue scientifique.
Le CCFEF, fondé en 1958 par Michel Foucault, est une unité franco-polonaise de recherche et de coopération universitaire en sciences humaines et sociales ainsi qu’un lieu d’accueil de chercheurs francophones en Europe Centrale; son activité repose sur des projets de recherche scientifique interdisciplinaires et sur l’éducation basée sur la recherche. Les participants de ce séminaire auront la possibilité de publier leurs articles dans la collection scientifique du Centre « Pluralités Européennes » (Presses de l’Université de Varsovie).
Calendrier
Date limite d’envoi de propositions : 6 juillet 2022
Sélection des candidatures et réponse aux participants : 18 juillet 2022
Séminaire doctoral : 12-13 septembre 2022
Date limite d’envoi d’articles : 15 novembre 2022
Langue : français.
Participants : doctorants francophones en sciences humaines et sociales des universités de l’Alliance 4EU+ et d’autres établissements.
Descriptif
Nous assistons de nos jours à un intérêt croissant accordé par les sciences humaines et sociales aux questions relatives à la santé et à la maladie. Cette réalité représente en soi un grand tournant ainsi qu’un acquis considérable. Désormais, des disciplines, comme l’anthropologie et la sociologie, ne cessent de s’impliquer davantage dans la pratique sociale contribuant ainsi à la compréhension et à la résolution des problèmes auxquels se heurtent les populations. Un champ de recherches et d’investigations consacré à la construction sociale de la maladie et de la santé a vu le jour. Malgré sa relation avec la médecine, un tel champ la dépasse. Car, être malade ou en bonne santé ce n’est pas seulement un état biologique mais c’est aussi une réalité psychologique et sociale (OMS, 1985). C’est une manière d’être avec soi-même et avec les autres qui nous est apprise par la société. En effet, c’est notre société qui fixe les normes de la maladie et de la santé, oriente nos conduites de soin, répartit les rôles et les statuts entre le malade, son entourage et le thérapeute (Stoetzel J., 1960).
Parmi les approches existantes sur les notions de santé et de maladie, la prise en compte de la culture est pratiquement inexistante. Or, elle était au centre des premiers travaux qui ont porté sur le binôme santé/maladie, et se trouve au cœur des contributions décisives que l’anthropologie, l’histoire et la sociologie apportent aujourd’hui à la compréhension des problèmes liés à la prévention, protection et promotion de la santé.
La nécessité d’introduire le thème de la culture dans la réflexion sur la santé et la maladie tient à deux ordres de raison qui renvoient : à l’histoire des approches du binôme santé/ maladie dans les sciences humaines d’une part et, d’autre part, au développement d’une perspective multidimensionnelle pour traiter des pratiques de santé.
Jusqu’à nos jours, le domaine d’étude des phénomènes rattachés à la santé et la maladie (pratiques, systèmes de savoirs et de croyances, institutions et agents thérapeutiques, relation patient/soignant, etc.) a été largement balisé par la sociologie et l’anthropologie. Ces disciplines pionnières n’ont pas manqué d’intégrer dans leur approche un regard sur l’individu, en le situant dans le cadre de ses rapports avec les institutions et les professionnels de la médecine. Il n’est qu’à rappeler le texte de M. Mauss (1926) sur « l’effet physique chez l’individu de l’idée de mort suggérée par la collectivité », et l’ouverture de la sociologie médicale, en 1948, avec la contribution de T. Parsons centrée sur les rôles sociaux du médecin et du patient. T.Parsons conçoit la maladie comme une déviance sociale que la société doit contrôler et définit les rôles respectifs du médecin et du malade pour sortir de cette déviance. Ce processus de contrôle social vise donc à isoler le malade du bien portant, le priver de ses droits individuels, renforcer la motivation du bien portant à ne pas tomber malade, et pousser enfin le malade vers les institutions de soins. En fait, le rôle du malade constitue un mécanisme qui contrôle la déviance de telle sorte que deux très dangereuses possibilités sont écartées : la formation d’un groupe de déviants et la reconnaissance de leur prétention à la légitimation (Freidson E., 1984).
Ainsi, en sociologie, pour divers auteurs (H. Becker, E. Freidson, E. Goffman, R. Merton, A. Strauss), l’étude des pratiques et attitudes des acteurs au sein des systèmes liés à la santé « est apparue féconde pour la compréhension de problèmes et de processus sociaux plus généraux » (Adam et Herzlich, 2002). En anthropologie, comme il ressort de l’analyse de M. Augé (1984) dans Le sens du mal, la portée de ce domaine d’étude tient à ce que les « modèles intellectuels d’interprétation » de la maladie et de la thérapie et les institutions qui les expriment, ont à voir avec les structures sociales et politiques.
L’étude du politique et de la maladie n’est pas sans rappeler la notion de biopolitique introduite par l’oeuvre philosophique de Michel Foucault dans La volonté du savoir et dans ses cours donnés au Collège de France (Il faut défendre la société et Naissance de la biopolitique). La bio politique encadre la vie de l’espèce humaine, les maladies et la santé par l’institutionnalisation de normes et de mécanismes de régulation qui, pour Michel Foucault, peuvent s’appliquer « à un corps que l’on va discipliner et à une population que l’on veut régulariser » (1976). Les technologies du pouvoir ne se limitent plus à l’encadrement disciplinaire du corps humain, elle s’étend à la régulation de l’« homme espèce » en tant que masse ou population.
Si cette notion se développe dans le cadre d’une analyse historique des technologies de pouvoir, elle se déploie dans différentes disciplines des sciences humaines et sociales accordant à la maladie, ou plutôt à la vie et ses processus biologiques, une place fondamentale. La bio politique, entendue au sens large, ouvre la voie à des approches multi-disciplinaires culturelles, linguistiques et littéraires par exemple.
La place de la culture dans la promotion et la protection de la santé peut être également rapportée à l’évolution de la définition de la santé. L’appel à la prise en compte de la culture dans le champ de la santé s’est formellement exprimé au congrès de l’OMS à Ottawa (1986), qui a défini une nouvelle orientation au système de santé : la promotion de la santé, qui ajoutait à l’offre des services cliniques et curatifs, la prise en compte et le respect des besoins culturels. L’objectif fixé était alors de répondre aux demandes individuelles, sociales et groupales pour une vie plus saine et l’établissement d’échanges entre le secteur de la santé, et des aspects plus amples liés aux secteurs sociaux, politiques, économiques et à l’environnement physique.
Un deuxième ordre de considérations venant à l’appui de la réintégration de la culture dans les recherches sur la santé et la maladie est argumenté au nom de la complexité des phénomènes étudiés. Malgré la tentative d’élaborer des « modèles explicatifs multifactoriels et interactionnistes » (Bruchon-Schweitzer, 1992), il y a de fortes tendances au réductionnisme. Santiago-Delefosse (2002) résume le problème au vu de travaux centrés sur l’individu, mais pas sur son environnement. Examinant les recherches menées dans le champ de la santé, ces auteurs pointent les risques que comportent des approches unidimensionnelles en ce qu’elles ne mettent l’accent que sur un seul aspect des questions touchant à la santé et la maladie. Par exemple, elles se focaliseront uniquement sur les conséquences sociales de la maladie (isolement social, stigmatisation, perte des rôles sociaux).
Pour tous ces auteurs, seule une approche multidimensionnelle permettrait de rendre compte de la complexité des processus intervenant dans le rapport à la santé, de la diversité de l’expérience des individus et de leur participation aux soins.
Nous proposons de partir des problématiques suivantes :
Quel est l’apport des sciences humaines et sociales (littérature, sociologie, anthropologie, herméneutique, linguistique, histoire) dans la définition des concepts de santé et de maladie, ainsi qu’a la compréhension du rapport entre le binôme sante/maladie et la médecine ?
Comment mener une approche multidimensionnelle sur les notions de santé et maladie, comment opérer la réconciliation entre perspective culturelle, sociologique, anthropologique ?
Quels sont les normes culturelles et les cadres d’analyses qui permettent d’interpreter les processus et les mécanismes de la maladie et quelles sont les solutions pour s’en sortir ?
Dans quelle mesure la production culturelle façonne t-elle le système normatif de la santé publique ?
Nous proposons les axes de réflexion suivantes :
Le rapport entre les notions de santé, de maladie et de la création culturelle recouvrant les savoirs et savoir-faire (connaissances, perceptions , savoirs de sens commun transmis par le milieu familial, l’école, les livres, films, ou à partir des informations dispensées par les campagnes d’éducation pour la santé).
Comment decrit-on la santé et la maladie ? Il y a-t-il un apprentissage culturel de l’identification des symptômes, de la mise en forme des réactions émotionnelles et des pratiques médicales liées à des systèmes de croyances spécifiques ? Comment se constituent les paradigmes ?
Le binôme santé/maladie et ses contextes conceptuels : la mise en perspective de la notion de santé/maladie avec d’autres notions fondamentales (société, culture, politique, etc.).
Forme : Webinaire (les panels de 3 participants chacun seront organisés selon les sujets des propositions reçues) et groupes de travail (nous allons organiser quelques sessions de discussions libres entre les doctorants et les professeurs selon les sujets).
Conseil scientifique
prof. Maciej Abramowicz (Université de Varsovie) – Président du Conseil scientifique, dr Nicolas Maslowski (Université de Varsovie), prof. Xavier Galmiche (Sorbonne Université), prof. Iwona Pugacewicz (Sorbonne Université), prof. Eva Beránková (Université Charles de Prague), prof. Sven Externbrink (Université de Heidelberg), prof. Marco Modenesi (Université de Milan), prof. Chiara Molinari (Université de Milan), prof. Jørn Boisen (Université de Copenhague), prof. Lisbeth Verstraete-Hansen (Université de Copenhague).
Comité d’organisation : dr Nicolas Maslowski, Olga Antonevici, Alicja Jaworska, Céline Vergnac